Le Pape chez les British...
Mon cher petit,
Vous voilà revenu en France, au moment même où j'ai quitté cette contrée pour me délocaliser
quelques temps Outre Manche... de peur d'avoir le bras trop court pour parvenir à gâcher cette visite
papale à nos amis britanniques... Tout - à vrai dire - se présentait sous les meilleurs hospices... Il ne faut pas forcer beaucoup ce peuple séparé de Rome depuis des siècles pour lui faire retrouver des élans de mépris envers le Successeur de Pierre.
Mais voilà que la tournure des évènements m'a un peu pris de court. J'avais orchestré la bataille sur le terrain des abus sexuels, des droits des homosexuels... Et voilà que ce pape de 83 ans arrive, les bras nus, humblement en demandant pardon et en prononçant des discours dont la profondeur et la justesse m'ont donné des brûlures d'estomac !
Je ne sais pas mon neveu si vous l'avez entendu s'adresser à la Chambre des Lords, mais ses mots ont eu un écho je crois encore bien plus grand dans les coeurs que sous les voûtes de ce magnifique édifice. Il fallait voir toute la haute société britannique faire une ovation ininterrompue au "Saint" Père pour comprendre le retentissement de son analyse. Dans un contexte où grâce à mes soins prodigués intensivement aux vieilles sociétés européennes, on ne sait plus trop à
quel saint se vouer, devant un monde économique déboussolé et des sociétés en décomposition, les pistes évoquées par le pape ont fait mouche. J'ai cru revivre le cauchemard de son fameux discours aux Bernardins à Paris.
J'ai eu beau faire un travail d'arrache pied avec mes chers amis des médias pour salir cet homme, quand il arrive quelque part, tout de blanc vêtu, il semble que d'un coup le lieu se remplisse d'une douce et paisible lumière. Beaucoup le croient hautain, froid, insensible. Mais quand il voit l'humble sourire délicat du vieillard, plus d'un change radicalement d'avis en un quart de seconde.
Mon neveu, sachez-le bien, notre pire ennemi, c'est la réalité. Par chance l'étrange lucarne est une boîte idéale pour créer la fiction. Tout ce que l'on y voit et tout ce que l'on y dit paraît plus réel que le réel. Il nous faut donc poursuivre notre travail de sape. Et éviter à tout prix que les gens en détournent le regard pour se pencher à côté... Ils risqueraient alors d'apercevoir les foules enthousiastes qui se pressent dans chaque pays, même les plus déchristianisés, pour accueillir le Benoït. Ils risqueraient de rencontrer leur curé qui n'est pas plus pédophile que le voisin d'en face (puisque des études américaines prouvent même que cette pathologie tragique se rencontre moins dans le clergé qu'ailleurs...). Ils riqueraient surtout de rencontrer l'Autre qui se donne sans cesse par son Eglise... Voilà un malheur qu'il nous faut éviter à tout prix...
Sachez enfin mon neveu que dès lors qu'un être humain sur cette terre commence à goûter la joie du Ciel, c'est pour nous un Enfer... Or vous savez pour le fréquenter comme moi, qu'il n'est nul besoin d'en rendre l'aspect plus désagréable encore tant il est vrai que nous sommes déjà au supplice...
Bien à Moi votre Oncle Très satisfait de lui-même,
Le Diable.